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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

timité de lord Dorchester pour lord Amherst est la véritable cause de la jouissance laissé au faux moine usurpateur. Le revenu des jésuites est estimé à quinze cent louis sterling. »

La page que nous allons lire est empruntée aux Mémoires de M. de Gaspé et se rapporte aux dernières années du dix-huitième siècle : « Les récollets étaient chéris et aimés de toute la population canadienne-française. Les abondantes aumônes qu’ils recueillaient surtout dans les campagnes, en font foi. Les habitants du nord du Saint-Laurent ne se contentaient pas de leur donner à pleines mains, mais transportaient aussi d’une paroisse à l’autre, en se relayant, les produits de leurs quêtes jusqu’à leur couvent même ; et ceux de la rive sud en faisaient autant. Ils les déposaient à la Pointe-Lévis, d’où les canotiers les traversaient gratis jusqu’à la basse-ville de Québec. Les récollets distribuaient des aumônes abondantes aux pauvres du produit des quêtes qu’ils recevaient des riches. Combien d’opulentes personnes, peuvent la main sur la conscience, en dire autant du fruit de leurs richesses souvent amassées en pressurant de pauvres débiteurs ? Les récollets rendaient hospitalité pour hospitalité, non seulement à ceux des riches habitants de la campagne où ils étaient le mieux accueillis, mais aussi à ceux pour lesquels il aurait été onéreux de payer leur gîte dans une auberge. Ils hébergeaient même les chevaux. Combien de citadins riches, après avoir reçu une généreuse hospitalité des campagnards, les évitent ou leur tournent le dos, quand ils les rencontrent dans les villes ! Les récollets veillaient les malades, non seulement chez les riches, où ils étaient certains d’un bon réveillon, mais aussi chez les pauvres auxquels ils apportaient eux-mêmes à souper. Les récollets ensevelissaient les morts, veillaient et priaient auprès de leurs corps et jetaient la dernière poignée de terre sur leur cercueil. Les récollets faisaient le catéchisme aux petits enfants, et l’école aux enfants des pauvres. J’ai toujours aimé les récollets. J’avais dix ans, le 6 septembre de l’année 1796, lorsque leur communauté fut dissoute après l’incendie de leur couvent et de leur église. Le gouvernement prit aussitôt possession de l’emplacement et des masures ; et quelques jours après le désastre, des cabanes, dans lesquelles on vendait toute espèce de liqueurs, étaient érigées, dans leur beau verger. Les récollets étant universellement aimés, on ne manqua pas, d’attribuer l’incendie de leurs propriétés à la malveillance du gouvernement britannique. Cette calomnie s’est propagée pendant longtemps, vu la distance de l’incendie à leur couvent. On ne pouvait expliquer pourquoi l’église des récollets qui s’élevait près du palais de justice actuel, brûla presque en même temps que la maison du juge Monk, située dans la rue Saint-Louis, où se trouve maintenant le quartier des officiers de la garnison. C’est là que le feu était né. La conflagration du faubourg Saint-Roch (1845) m’a expliqué ce phénomène… Pendant quelques jours à la suite de ce désastre, on vit errer les pauvres moines, près des ruines du monastère dans lequel ils avaient trouvé un asile contre la tourmente de la vie. Ils se promenaient tristes et pensifs, près des voûtes où ils avaient espéré que leurs cendres seraient mêlées avec celles de leurs devanciers qui avaient rendu tant de services à la Nouvelle-France. Un mois après ce sinistre on voyait à peine trois capuchons dans toute la ville de Québec… Les fils de Saint-François dispersés dans toute la colonie, gagnaient paisiblement leur vie comme