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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

puis le blé, la farine, le lin, la potasse, le bois, les douves, le poisson séché, les huiles, le ginseng et plusieurs plantes médicinales… La manufacture domestique existe partout dans le Canada. Elle consiste en toiles et en grosses étoffes de laine, mais la plupart des articles d’habillement sont d’importation anglaise… Le peuple a toute la gaîté et la vivacité de celui de France. Il danse et chante et semble ne vouloir s’imposer aucun soucis ; un certain nombre d’entre eux, cependant, paraissent aussi moroses et renfrognés que les gens des États-Unis. La vanité pourtant est leur trait caractéristique et en les flattant, vous en faites tout ce que vous voulez. Les femmes sont du petit nombre de ceux qui savent lire et écrire. Un Canadien ne conclut jamais un marché, ni ne fait une démarche de quelque conséquence sans consulter sa femme, dont les avis font lois, généralement… Les Canadiens aiment à se réunir, à causer de leurs longs voyages, à se vanter de leurs prouesses. Ils ne sont pas satisfaits d’avoir défriché une terre et d’en tirer de quoi vivre, il faut qu’ils puissent raconter les périls qu’ils ont bravés et les courses lointaines qu’ils ont faites. Les femmes et filles des habitants sont jolies et la simplicité de leurs habits en été les rend très attrayantes. Comme les sauvagesses, elles perdent promptement leur beauté et cela est dû aux rudes travaux auxquels elles se soumettent. »

Voyons à présent ce que John Lambert disait, en 1808, après avoir parcouru le pays : « Le costume de l’habitant est simple et commode. Il consiste en un long capot d’étoffe gris foncé, avec capuchon, retenu à la taille par une ceinture de laine aux couleurs voyantes. Veste et pantalon de la même fabrique. Aux pieds des mocassins ou des chaussures de cuir de bœuf. Ses cheveux épais et longs, sont attachés en arrière par une lanière de peau d’anguille ; de chaque côté du visage, des mèches droites retombent en queue de rat. Il porte la tuque rouge. L’ensemble se complète par une courte pipe qui ne quitte presque jamais la bouche de l’habitant, car il est fumeur comme un Hollandais. La figure est longue et mince, brunie par le hâle ou le soleil, parfois plus sombre que celle du Sauvage. Les yeux petits, vifs, foncés ; le nez accentué et à peu près aquilin, ou de forme romaine ; les joues lâches et maigres ; les lèvres minces et petites ; le menton pointu… Les manières des habitants sont aisées et polies. Leur conduite à l’égard des étrangers n’est jamais influencée par l’habit ou la coiffure de ceux-ci. Ils sont civils et respectueux à tout le monde, sans distinction de personne. Ils traitent leur supérieur avec cette déférence qui n’est ni la bassesse de l’un ni l’exaltation de l’autre. Envers leurs subordonnés, ils n’usent point de rudesse et n’affligent aucunement la pauvreté. Leur comportement est libre et sans gêne ; on dirait plutôt qu’ils ont vécu à la ville que dans la campagne. Les uns et les autres s’entretiennent en bons rapports… Les hommes ont un bon sens naturel et une forte dose d’intelligence ; mais faute d’écoles, ils ne peuvent guère s’instruire. Les femmes ont plus d’éducation, et ceci doit provenir du clergé, qui s’arrange pour qu’elles gouvernent leurs maris… Les Canadiens sont vraiment très polis les uns envers les autres ; ils se saluent et se font la révérence en se rencontrant. Lorsque je vois deux habitants le chapeau à la main, le corps penché en avant avec grâce, je ne puis m’empêcher de penser à l’effet qu’une pareille scène produirait dans les rues de Londres ! Les Canadiens sont extrêmement polis et empressés à l’égard des étrangers et ils