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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

cours de l’étranger, alors que ce dernier n’aimait pas à en courir les risques et au moment où il se voyait lui-même fort embarrassé de sa propre misère.

La véritable autorité vient du peuple. Les autres ne sont que des singeries. Que le peuple se trompe ou qu’il ne se trompe pas, c’est son affaire, puisque c’est lui qui solde les comptes. Mais il est son propre maître. Ses destinées sont entre ses mains, comme celles de n’importe quel homme sont entre les mains de ce même homme. Il prendra des conseils de qui il lui plaira de les prendre. Personne n’a rien à y voir. Si au lieu de discuter à perte de vue sur le principe d’autorité, nos journaux posaient carrément la question des griefs des insurgés, il y a longtemps que l’on saurait à quoi s’en tenir sur le mouvement 1837-38. Mais non ! il semble que l’on a tout expliqué lorsque les canons de l’église et les édits des rois ont été invoqués. C’est un radotage complet. Un individu ou un peuple, mécontent du régime qu’on lui impose, se révoltera, s’il a du cœur. Qu’on vienne ensuite, à l’aide de la théologie ou de toute autre science qui consiste à fendre des cheveux, prétendre que sa résistance est un mal, il faut envoyer promener les argumentateurs. On ne raisonne pas plus avec ces gens-là qu’avec le jésuites : on les chasse, car ils ne veulent la liberté que pour eux-mêmes.

Le droit de se révolter existe par le fait même de la situation de l’humanité. À part la délégation nationale, c’est-à-dire sortie des rangs du peuple et libre dans ses délibérations, tout ce qui ose s’appeler pouvoir est une mauvaise farce. Nous n’étions pas gouvernés, en 1837, par une autorité acceptable. De là le droit à la révolte. Toute discussion cesse devant ce fait : on nous imposait une volonté qui n’était pas la nôtre. Or, nous, c’est le pays. Personne au monde n’a le privilège de se substituer au peuple. La fraude et les fausses nations d’autorité y parviennent quelques fois — mais c’est de la fraude — et, de notre temps, Dieu soit béni, cela ne dure qu’un instant.

L’insurrection était légitime. Mais où prendre les moyens d’action ? Et au cas où ces ressources fussent devenues accessibles, où allions-nous ? Aux États-Unis. Ah ! alors non ! Tout s’arrêtait devant cette perspective peu encourageante. Nous ferons peut-être un 1837, un jour, plus tard, on ne sait quand, mais d’un autre genre — il sera purement politique : cette fois nous serons tous d’accord — et nous ne travaillerons que pour nous-mêmes. Jusque là, paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

L’exagération poursuivant son chemin, on crut en Angleterre que nous avions remis en honneur les scènes de la guerre de la Vendée. Comme les États-Unis ne nous avaient prêté aucune assistance et que, par la force des baïonnettes, nous étions parfaitement à la merci des ministres, il ne s’agissait plus que de nous poser les bandelettes et de nous réduire à l’état de momies politiques. Plusieurs membres de la chambre des communes de Londres reculèrent devant cette organisation d’une Pologne canadienne. Sans trop savoir ce qu’il y avait à faire, ils demandèrent d’abord une enquête, une commission, un bureau de renseignement. Lord Durham, muni de pouvoirs extraordinaires, nous fut adressé.