Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VIII, 1884.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

l’armée sous le marquis Duquesne. À la paix de 1763 il s’établit à Berthier (en bas) et y devint notaire. L’un de ses fils, Jean-Baptiste, fonda Faribaultville, dans l’ouest. Un autre, George-Barthélemi, fut le bibliophile qui va nous occuper. Celui-ci entra au barreau et exerça la profession d’avocat pendant cinquante-cinq ans. Né à Québec, le 3 décembre 1789, il y mourut le 21 décembre 1866, ayant consacré à l’étude de l’histoire du Canada tous les loisirs de sa vie. La longue liste des ouvrages qu’il a recueillis ou fait connaître pour servir à notre histoire est consultée tous les jours. Reçu avocat en 1812, il s’enrôla lorsque la guerre eut été déclarée. De 1822 à 1855 il occupa diverses fonctions à la chambre d’assemblée, poursuivant toujours ses études et prenant part à tous les mouvements littéraires qui se manifestaient parmi nous. En 1837 il publia un catalogue dont le titre modeste ne dit pas tout ce qu’il couvre. Sa première collection de documents fut détruite dans l’incendie du parlement (1849) mais en 1851, on l’envoya à Paris en préparer une seconde, ce à quoi il réussit à son honneur. Après avoir largement contribué à la fondation de la Société Littéraire et Historique de Québec (1827) il ne cessa de travailler à la prospérité de ce corps qu’il enrichit de ses trouvailles et qui doit le regarder comme son membre le plus méritant.

Les historiens ont raconté en détail la longue crise parlementaire qui va de 1817 à 1834, prélude des troubles de 1837. Vers 1825, toutes les anciennes questions revenaient sur le tapis. C’est alors que M. Auguste-Norbert Morin, à peine âgé de vingt-deux ans, publia sa lettre au juge Ed. Bowen sur l’usage légal de la langue française et se signala du coup comme un penseur et un patriote. Bientôt après (1826) il fonda la Minerve dont M. Ludger Duvernay devint le propriétaire. Ce nouvel organe fit entendre dans toute la province des accents auxquels on n’était pas encore habitué, bien que, dans la chambre d’assemblée, le parti de M. Papineau fut devenu, depuis dix ans, l’écho des plaintes qui s’élevaient contre l’absolutisme de l’oligarchie, des bureaucrates et des adversaires du nom canadien. La fondation de la Minerve marque une phase nouvelle dans nos affaires publiques. Il faut reconnaître que de plus petits journaux, puis des revues, ensuite des livres, lui avaient graduellement préparé le chemin, depuis au delà d’un quart de siècle. Cette marche en avant n’est pas l’indice d’un peuple inerte ou ignorant. Une littérature existait parmi nous : elle s’occupait de matières légales et politiques ; elle traitait de l’histoire du Canada ; elle était parfois légère — enfin son influence contribuait à relever le niveau intellectuel de la colonie.

M. Duvernay, qui avait vu périr entre ses mains cinq journaux qu’il avait commencés, eut cette fois le bonheur d’en créer un qui devait vivre. Dans les années qui suivirent, la Minerve devint comme l’évangile du parti canadien. Des polémistes vigoureux entrèrent en scène. L’esprit public se débrouilla enfin au milieu des questions qui, jusqu’alors, avaient occupé le parlement sans être bien comprises au dehors. On demandait à la plume un nouveau moyen de s’éclairer et de combattre. Quelques livres, des brochures paraissaient ça et là. Le district de Québec voulut aussi avoir sa tribune populaire, le Canadien (1831) rentra dans l’arène sous la direction de M. Étienne Parent, avec la devise : « Nos institutions, notre langue et nos lois. » La période des tâtonnements était passée ; nos cadres politiques étaient complets. Puisque nos écrivains déployaient tant d’activité, c’était donc que la presse an-