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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Il fallait des livres pour nourrir et développer l’intelligence de nos hommes publics et des gens de profession. On en achetait, on en produisait, non pas en grand nombre, mais plus qu’on ne l’imagine généralement. Et pour répondre au gouvernement anglais qui redoutait de voir se répandre l’instruction, le clergé aidé des laïques, ouvrait des écoles élémentaires, même des collèges. Nicolet date des premiers jours de notre siècle, alors que d’autres institutions du même genre existaient et prospéraient à Québec et à Montréal. Cette tentative de tenir des classes supérieures à la campagne, à mi-chemin entre les deux grandes villes du pays, a été couronnée d’un plein succès.

Arrêtons-nous devant un auteur dont les livres et l’initiative personnelle ont contribué pour une large part au mouvement des esprits parmi nous, durant près d’un demi siècle. Joseph-François Perreault, né le 1er juin 1753 descendait d’une famille établie en Canada vers l’année 1700. Son père était marchand et comme il avait des intérêts à la Nouvelle-Orléans, il y fit venir sa femme et ses enfants (1772) mais le jeune François alla jusqu’aux Illinois, en remontant le Mississipi, visiter leur poste de traite ; il y resta sept ans. Il descendit le fleuve trois fois, mettant chaque fois trois semaines à ce trajet et trois mois pour remonter aux Illinois. En 1779, s’étant aventuré sur l’Ohio, il fut pris par les Sauvages, subit une dure captivité et parvint à se rendre au Détroit, d’où on l’expédia à Québec (1780) mais il se remit en route aussitôt et passa l’hiver au Détroit, où n’étant pas occupé, il étudia beaucoup dans la bibliothèque de son oncle M. Dupéron Baby. En 1781, il était établi marchand à Montréal. Dans l’espérance de recouvrer l’argent qui lui avait été enlevé par les Sauvages, il passa en Virginie (1784) mais sans succès et de retour à Montréal il se livra à l’étude de la loi. Il traduisit et publia quelques ouvrages des jurisconsultes anglais, touchant les devoirs des magistrats et se fit un nom dans le barreau de Montréal. En 1795, on le nomma greffier de la paix et de la cour du banc du roi au district de Québec en remplacement de M. Pierre Panet promu juge à Montréal ; il conserva cette charge durant de longues années. Il représenta le comté de Huntingdon, de 1801 à 1804, et soumit un projet de loi pour la fondation des écoles de paroisse et un autre pour l’établissement d’une maison d’industrie. À cette époque, il était devenu le champion des écoles élémentaires. En 1803 il publia un traité des règles et coutumes parlementaires ; en 1805, un dictionnaire des lois et usages du parlement ; en 1813 le manuel des huissiers ; en 1822 un cours d’instruction élémentaire ; en 1824, des extraits des registres de la prévôté de Québec, de 1727 à 1759 ; en 1830 un traité de la grande et petite culture ; en 1831 un plan raisonné d’éducation générale et permanente, et « moyens de conserver nos institutions, notre langue et nos lois. » Enfin, son esprit infatigable le porta vers l’ensemble de notre histoire et il donna, de 1832 à 1836, un abrégé des événements qui vont de la découverte du pays jusqu’à 1835. Comme, malgré son âge, il ne pouvait se décider au repos, il écrivit encore un traité de médecine pour les vétérinaires, un code rural à l’usage des habitants et, en 1839, un traité d’agriculture adapté au climat du Bas-Canada. Décédé le 5 avril 1844, il nous a laissé, par sa vie et ses œuvres, un double exemple de la persévérance au travail et du dévouement patriotique.

Le Canadien, de 1806 à 1810, publie autant de couplets que d’articles de fond ; la plu-