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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

nations de ce poste et d’être suspect à celle des Renards, et je n’ai pu refuser aux révérends pères jésuites le sieur de la Perrière pour l’établissement des Sioux. Dans ces circonstances j’ai été forcé de renvoyer le sieur Duplessis[1] à la baie, où il avait été placé par M. de Longueuil avant qu’il eût reçu vos ordres ; mais je compte de le faire relever le printemps prochain, m’ayant lui-même demandé de revenir à sa garnison. »

Vers le même temps l’ancien poste, au nord du lac Supérieur, fut rétabli ou renforcé, en vue de la traite qui se faisait à la décharge du lac Nipigon. M. de Beauharnois envoya pour y commander M. de la Vérendrye. Avec d’Iberville, le glorieux soldat, il faut citer la Vérendrye, découvreur et fondateur du nord-ouest. Ces deux Canadiens ont porté si haut le nom de notre pays que toutes nos gloires s’effacent devant la leur.

Pierre Gautier de Varennes, sieur de la Vérendrye, avait eu pour frère aîné Louis de la Vérendrye, officier dans les troupes formant partie du contingent canadien appelé en France à la guerre de la succession d’Espagne ; en 1706, Louis était capitaine au régiment de Bretagne et fut tué peu de temps après. Pierre porta dans sa jeunesse le surnom de Boumois et n’adopta celui de la Vérendrye qu’après la mort de son frère. Il fit les campagnes de la Nouvelle-Angleterre (1704) et Terreneuve (1705) puis passa en France vers 1708. À la bataille de Malplaquet (1709) il mérita le grade de lieutenant par neuf blessures, fut laissé pour mort, et le maréchal de Contades le cita à l’ordre du jour. À la fin de cette guerre désastreuse, Louis XIV retira aux officiers les grades conquis par leur vaillance. Le pauvre blessé se retrouva simple enseigne, sans sou ni maille, mais rapportant un maître coup de fusil dans le corps et plusieurs coups de sabre. Ne recevant plus de paie et se voyant sans protection, il eut recours à M. de Vaudreuil, qui l’autorisa à tenir un poste de traite sur le petit fief de la Vérendrye (à la Gabelle) près des Trois-Rivières, sa ville natale. Les premiers renseignements qu’il recueillit touchant les peuples du nord-ouest ont dû lui parvenir par le Saint-Maurice. La Gabelle était fréquentée par des sauvages qui avaient des rapports suivis avec ceux du lac Winnipeg et de la baie d’Hudson. Il s’était marié (29 octobre 1712) avec M. Anne Dandonneau-Dusablé, fille de Louis Dandonneau, qui s’occupait de la colonisation de l’île Dupas ; sa femme demeurait dans cette île ; c’est là, principalement, et à la côte de Batiscan, qu’il enrôla plus tard des voyageurs pour ses grandes expéditions. En 1726, il résolut de passer en France avec l’espoir de se faire rendre son grade de lieutenant, mais la réponse du ministre ne lui donnant aucune satisfaction, il accepta l’offre de M. de Beauharnois, qui l’envoya commandant aux extrémités du monde connu. De deux maux, il sut choisir le moindre ; un emploi au lac Nipigon offrait encore quelque chance d’avancement. Très au courant des mœurs des sauvages, doué d’un caractère entreprenant et ferme, tenant par la famille de sa mère (fille de Pierre Boucher) à plusieurs de ceux qui s’occupaient de la question du nord-ouest, il dirigea son ambition du côté de ces vastes territoires où ses compatriotes tentaient de faire pénétrer le commerce et l’honneur du nom français. C’était le

  1. Duplessis Faber, capitaine en 1732, « beaucoup d’esprit, mais quelque peu indiscret. »