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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

hommes d’initiative ne manquaient pas dans la colonie pour seconder les vues du gouverneur, ou plutôt celui-ci sut appuyer à propos les projets qu’on lui soumettait. À la tête de la compagnie dite des Sioux, qui fut autorisée le 6 juin 1727, étaient les sieurs Saint-George Dupré, Youville, Pierre Dumay, Marin, Étienne Petit, Garrau, François Campau, Pierre Richard, Jean-Baptiste Boucher de Montbrun, François Boucher de Montbrun et Jean Gardé. Un premier convoi, commandé par l’un des Boucher de Montbrun, partit le 16 juin de Montréal et arriva à Michillimakinac le 22 juillet. Cette marche, en remontant les rivières, est comparable à celle que M. de Rocheblave accomplit (1820) et dont on a tant parlé. De Michillimakinac au Wisconsin, les voyageurs furent escortés par des troupes, afin de traverser le pays des Renards, et, arrivés au Mississipi, ils remontèrent ce fleuve jusqu’au lac Pépin, où ils s’arrêtèrent le 17 septembre. C’était le lieu choisi pour hiverner. Quatre jours plus tard un poste fortifié s’élevait au bord du lac : on le nomma Beauharnois. Ce fut probablement le premier fort fondé par les Français sur le haut Mississipi. Bientôt les Sioux s’assemblèrent en ce lieu et formèrent une bourgade de quatre-vingt cinq cabanes, renfermant cent cinquante guerriers. Un feu de joie que les Français lancèrent pour célébrer la fête de M. de Beauharnois (la Saint-Charles) causa beaucoup de frayeur aux sauvages. Le père Michel Guignas, jésuite, dit que dans cette occasion « on vit couler le vin des Sioux, quoiqu’il n’y ait pas ici de plus belles vignes[1] qu’en Canada. »

Le 25 septembre 1727, M. de Beauharnois écrivait au ministre : « Vous me recommandez de donner tous mes soins pour envoyer un ou deux missionnaires chez les Sioux. Les révérends pères jésuites, à qui j’en ai demandé deux, me les ont donné[2] et ils sont partis le printemps dernier (avec l’expédition ci-dessus). Il a été nécessaire, par rapport à la situation des affaires du côté des Renards, de faire accompagner ces deux missionnaires d’un certain nombre de Français, tant pour les mettre en état de se défendre des parties de guerre que pour parvenir avec plus de diligence à l’établissement qu’il convient de faire pour la sûreté des missionnaires. J’ai fait un traité avec les voyageurs qui les mènent, par lequel ils se sont chargé de toutes les dépenses. Il a été nécessaire aussi, pour la discipline et le bon ordre, de mettre à la tête de ce détachement un officier sage et désintéressé. Les révérends pères jésuites m’ont demandé eux-mêmes et avec instances, le sieur de la Perrière,[3] que j’avais nommé conformément aux ordres que vous avez adressés à M. le baron de Longueuil,[4] pour aller à la baie (Verte) en lieu et place de M. de la Noue, que vous aviez destiné pour relever le sieur Amariton. Je n’ai pu envoyer le sieur de la Noue, à ce poste, pour des raisons qui vous ont été précédemment écrites, et sur les représentations qui m’ont encore été faites depuis mon arrivée, par les pères jésuites, qui m’ont assuré que cet officier, quoique très capable[5] et très digne, avait le malheur de n’être pas agréable aux

  1. La vigne sauvage a été trouvée en abondance dans le Bas et le Haut Canada, ce qui, d’après l’expérience des anciens, nous porte à croire que la vigne cultivée en grand y prospérerait.
  2. Les pères Michel Guignas et Flavien de Gounor.
  3. René Boucher, sieur de la Perrière, fils de M. Pierre Boucher.
  4. Qui gouvernait par intérim avant l’arrivée de M. de Beauharnois.
  5. En 1732, Zacharie Robutel de la Noue était capitaine.