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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

sérieux se recrutaient aussi principalement parmi les Canadiens. Les colons amenés d’Europe se trouvaient, pour la plupart, incapables d’adopter la nouvelle existence qui leur était faite. Un bon nombre d’entre eux n’étaient ni des gens de métier ni des cultivateurs. La moindre tâche les effrayait. Lorsque les magasins de la compagnie manquaient de provisions, ce qui arrivait souvent, les pauvres exilés ne savaient ni recourir à la chasse ni tirer parti des autres ressources de la contrée. En un mot, ils n’étaient pas débrouillards et périssaient où les Canadiens éprouvaient tout simplement un peu de gêne. Si l’on ajoute à ces difficultés, l’incurie du gouvernement français et la conduite égoïste autant que maladroite des hommes qui exploitaient la colonie, on se fera une idée du spectacle de ces petits établissements, relégués à des centaines de lieues du Canada et de la France.

Le sol de la Louisiane produisait à l’état sauvage le cirier. Ce fut la seule plante que l’on parvint à cultiver sous le régime français, et encore cela n’eut lieu qu’au moment de la cession du pays à l’Angleterre et à l’Espagne. Le tabac, apporté des îles, commença à y prendre de l’importance vers 1740. Ni le coton ni la canne à sucre ne reçurent une attention notable — en réalité on se borna à de légers essais. Quiconque ne se tournait pas vers le commerce de pelleteries était à peu près sûr de mourir de faim et ceux qui alimentaient ce trafic avaient à craindre à tous moments de tomber sous la hache des sauvages. Joignons à cela la débandade continuelle des troupes, le contingent de mauvais sujets que les navires débarquaient de temps à autre, les luttes ouvertes entre les fonctionnaires, la dépression du papier-monnaie — et ce chapitre de l’âge héroïque de la Louisiane est plus désolant qu’agréable.