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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

et légitimes, y entreront très volontiers, ce que nous avons reconnu avec beaucoup de joie par la compagnie qui s’est formée depuis quelques mois pour la terre ferme de l’Amérique, autrement appelée France équinoxiale ; mais comme il ne suffit pas à cette compagnie de se mettre en possession des terres que nous leur concédons et les faire défricher et cultiver par les gens qui y envoyent avec grands frais, si elles ne se mettent en état d’y établir le commerce, par le moyen duquel les Français qui s’habitueront aux dits pays communiquent avec les habitants naturels en leur donnant, en échange des denrées qui croissent dans leur pays, les choses dont ils ont besoin. Il est aussi absolument nécessaire pour faire ce commerce d’équiper nombre de vaisseaux[1] pour porter journellement les dites marchandises qui se débitent au dit pays et rapporter en France celles qui s’en retirent, ce qui n’a point été fait jusqu’à présent par la compagnie ci-devant formée, — ayant reconnu que le pays de Canada a été abandonné par les intéressés en la compagnie qui s’était formée en mil six cent vingt-huit (les Cent-Associés), faute d’y envoyer annuellement quelque léger secours[2], et que dans les îles de l’Amérique où la fertilité des terres y a attiré un grand nombre de Français, ceux de la compagnie à laquelle nous les avions concédées en l’année mil six cent quarante-deux[3], au lieu de s’appliquer à l’agrandissement de cette colonie et d’établir dans cette grande étendue du pays un commerce qui leur devait être très-avantageux, se sont contentés de vendre les dites îles à divers particuliers[4], lesquels s’étant seulement appliqués à cultiver les terres, n’ont subsisté depuis ce temps-là que par le secours des étrangers, en sorte que jusques à présent ils ont seuls profité du courage des Français qui ont les premiers découvert et habité les dites îles et du travail de plusieurs milliers de personnes qui ont cultivé les dites terres. C’est pour ces considérations que nous avons repris des intéressés en la dite compagnie du Canada la concession qui leur avait été accordée… et que nous avons résolu de retirer toutes les îles de l’Amérique qui ont été vendues aux dits particuliers par la dite compagnie, en remboursant les propriétaires d’icelles du prix de leurs acquisitions et des améliorations qu’ils y auront faites : mais comme notre intention a été en retirant les dites îles, de les remettre entre les mains d’une compagnie qui put les posséder toutes, achever de les peupler et y faire le commerce que les étrangers y font présentement, nous avons estimé en même temps qu’il était de notre gloire et de la grandeur et avantage de l’État de former une puissante compagnie pour faire tout le commerce des Indes Occidentales, à laquelle nous voulons concéder toutes les dites îles, celle de Cayenne et de toute la terre ferme de l’Amérique, depuis la rivière des Amazones jusqu’à celle d’Orenoc : le Canada, l’Acadie, l’île de Terreneuve et autres îles et terre ferme, depuis le nord du dit pays de Canada jusqu’à la Virginie et Floride, ensemble toute la côte de l’Afrique depuis le cap Vert jusqu’au cap de

  1. Louis XIV s’irritant en plein conseil des ministres : « C’est une honte pour la France de ne pas savoir porter au dehors ses marchandises » ; quand serons-nous délivrés des Hollandais !
  2. Dans les pièces de ce temps, on remarquera que le roi n’est pas tendre pour les Cent-Associés.
  3. À cette époque (1642), plusieurs compagnies s’étaient formées, tant pour les Indes orientales que pour les autres colonies. Le Canada en avait souffert, et surtout la compagnie de Montréal ; car ses associés se dirigeaient de préférence vers ces nouvelles entreprises.
  4. Ainsi l’île Saint-Christophe, où alla mourir M. de Montmagny, avait été achetée par les chevaliers de Malte.