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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

au dit sieur de Fancamp cinq cents arpents de terre sur la montagne faisant partie de la dite réserve : à ces causes, en vertu du pouvoir à nous donné par Sa Majesté, et désirant contribuer autant qu’il nous est possible aux bons desseins de la dite compagnie, nous lui avons donné… le restant de la dite île de Montréal à l’exception de cinq cents arpents qui sont sur la montagne que nous avons donnés… au dit sieur de Fancamp, à la charge de l’hommage vers notre compagnie qui les lui a concédés en fief moyennant les droits seigneuriaux suivant la coutume de Paris à chaque mutation ; et pour ce qui regarde la compagnie de Montréal aux mêmes droits, charges et conditions dont est chargée la première concession faite à la dite compagnie de Montréal, et de fournir une place de cinq ou six arpents commode pour y bâtir un magasin en tel lieu qu’il sera jugé à propos par notre compagnie. » Le 29 mars 1663, la compagnie de Montréal abandonna au séminaire de Saint-Sulpice tout son domaine, seigneurie, fonds, métairies, terres et autres droits sur l’île — par pur don. Ce changement, qui rendait la communauté de Saint-Sulpice seigneuresse de l’île, n’empêchait pas le roi, en 1663, de la considérer sur le pied des autres seigneuries ; au contraire, il n’en devenait que plus facile de ranger tout à fait sous les ordres du conseil souverain cette partie importante du pays, jusque là à peu près indépendante de la chambre de Québec. C’est pourquoi M. Gaudais-Dupont fit rendre une décision (23 octobre 1663) prescrivant à M. de Maisonneuve d’exercer la commission de gouverneur de l’île à partir de ce jour ; et ordonnant aux messieurs de Saint-Sulpice de faire valoir sous huit mois les titres en vertu desquels ils se croyaient autorisés à nommer le gouverneur de ce lieu.

Le 28 octobre 1663, M. Gaudais fit donner une commission à M. Pierre Boucher comme gouverneur des Trois-Rivières. Le 1er novembre, il reprenait le chemin de la France, ayant en quelque sorte transformé le pays depuis son arrivée, et placé toute l’administration dans la main du roi par le moyen du conseil souverain de Québec.

Le lecteur a déjà remarqué, dans les instructions adressées à M. Gaudais-Dupont, le soin extrême que prenait Louis XIV de se renseigner au sujet du Canada, afin de prendre des mesures immédiates dans l’intérêt de celui-ci et la gloire de sa couronne. Nous le suivrons pas à pas sur ce terrain jusqu’à l’heure où il se laissa distraire par le dessein d’humilier les nations de l’Europe.

Dès le temps de Champlain, la tendance avait été de se conduire, à Québec et aux Trois-Rivières, comme s’il y eût eu dans la colonie deux gouvernements séparés. Plus tard, Montréal fut établi et se regarda comme une troisième province. Le pays n’était pas encore constitué administrativement ; mais ces divisions prévalurent, en 1663, lorsque M. Gaudais-Dupont eut pris connaissance de la géographie de la contrée et des besoins des habitants. Le 17 novembre, le conseil souverain donna à Maurice Poulain une commission de procureur du roi pour le gouvernement des Trois-Rivières ; le notaire Sévérin Ameau fut nommé greffier de la juridiction vers la même date ; M. Pierre Boucher, outre ses fonctions de gouverneur, dut exercer celles de lieutenant-général.

Ces districts ou gouvernements, car c’est ainsi qu’on les appelait, portaient le nom des