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CHAPITRE X

1625-1657.


On demande un clergé national.



N

otre clergé, dit-on souvent, a fait œuvre nationale, et les Canadiens lui doivent de la reconnaissance. Ceci est parfaitement conforme à l’opinion de tous les gens éclairés ; mais la masse des lecteurs ne se doute peut-être pas de la distinction qu’il y a à faire entre notre clergé et le clergé français du dix-septième siècle. Confondre les jésuites, par exemple, avec les prêtres canadiens, c’est prendre de l’eau pour du feu — sans compter que, durant le dix-septième siècle, nous n’avons pas eu de clergé canadien, grâce aux jésuites.

Dès leur premier pas sur le sol de la Nouvelle-France, les jésuites avaient été reçus avec froideur par les Français établis ou hivernants. À Québec, en 1625, on ne voulait pas même leur envoyer de canot pour les aider à débarquer du navire qui les amenait. Les récollets s’interposèrent par charité et réussirent à calmer les esprits. En récompense de leur dévouement, les récollets furent écartés du Canada et leurs terres données aux jésuites, en 1632. On ne sait s’il y eut alors protestation de la part des Canadiens ; mais, vers 1639, ceux-ci firent des démarches pour obtenir de n’être plus gouvernés « dans le spirituel et le temporel » par les mêmes personnes. Cette demande, que toutes les circonstances connues rendent justifiable, ne fut pas écoutée. Les jésuites étaient détestés chez nous, mais puissants à Paris ! Bossuet devait leur dire un jour : Vous êtes plus forts par l’intrigue que par l’estime que l’on a de vous.

De quoi se plaignaient les Canadiens en 1639, et en 1645, et en 1650, et en 1656, et en 1662, et en 1669 ? — car ils se sont tenus sur la brèche et n’ont cessé de porter à la cour suppliques sur requêtes et pétition sur prière, dans l’espoir d’obtenir justice.

Ils n’étaient ni des sauvages ni des protestants. Français et catholiques, ils demandaient… des curés.

Pourquoi donc n’acceptaient-ils pas les jésuites ? Parce que les jésuites s’occupaient de toutes autres choses que des Habitants.