Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




le poète.



La bête hésite à boire un sang pareil au sien,
Et ne cherche en son rut qu’un amant de sa race ;
D’un solidaire instinct c’est la première trace,
Et des êtres vivants le nœud le plus ancien.

Les carnassiers entre eux n’ont pas d’autre lien,
Endurcis par le meurtre, isolés par la chasse ;
Mais l’herbage a formé le troupeau moins rapace,
La fourmi fait déjà penser au citoyen.

La ruche, et de son miel la commune industrie,
Ont préparé la terre à devenir patrie ;
Mais l’homme est obligé de s’inventer des lois :

Artisan douloureux de sa propre excellence,
Pour fonder la Justice il éprouve les poids,
Et semble en tâtonnant affoler la balance.