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avec un long sifflement, une goutte de vin qui restait au fond de son verre, vide depuis longtemps, quand la camarde nous tient à pic, il faut bien que le câble cède. C’est ce que je disais toujours à mes malades, à mes calfats, ou à mes canonniers, car tu sais…

— Oui, oui, je sais, maître Durand, répondit aussitôt Grain-de-Sel, qui tremblait d’entendre l’ex-canonnier-chirurgien-charpentier de l’Épervier recommencer le récit de ses triples exploits ; mais c’est plus fort que moi, ça me fend le cœur quand je pense qu’il y a encore un an, ce pauvre M. Kernok était là-bas dans sa ferme de Treheurel, et que nous fumions tous les soirs une vieille pipe avec lui.

— C’est vrai, Grain-de-Sel. Dieu de Dieu ! quel homme ! Était-il aimé dans ce canton ! Un malheureux matelot lui demandait-il quelque chose, il l’obtenait à l’instant. Enfin, depuis vingt ans qu’il s’était retiré des affaires pour vivre en bourgeois, il n’y avait qu’une voix sur sa bienfaisance. Et puis, quel respectable figure lui donnaient ses grands cheveux blancs et son habit marron ! Avait-il l’air bonhomme quand il portait sur son dos les petits enfans du vieux Cerisoët le canonnier, ou qu’il leur faisait des ba-