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vivre le passé, ce passé qui m’avait été si cher. Hélas ! ce fut là ma plus grande faute, j’ai follement cru qu’on pouvait aimer deux fois. Au lieu de conserver dans mon cœur un souvenir précieux et sacré, j’ai blasphémé ce premier et unique amour !… Parodiant ses élans, ses dévoûments, ses enthousiasmes, j’aimai ou plutôt je crus aimer M. de Lancry, je m’aperçus bientôt de mon erreur, je versai des larmes amères sur cette nouvelle faute si vaine pour mon bonheur ; je ne veux pas justifier l’odieuse conduite de M. de Lancry à mon égard, Mathilde, mais peut-être s’aperçut-il de la tiédeur de mon affection, quoique je fusse pour lui d’un dévoûment sans bornes ; chaque jour je reconnaissais avec une tristesse navrante que l’on n’aime qu’une fois ; lors même qu’un second amour aurait la vivacité du premier, il ne serait toujours qu’une redite, qu’un reflet, qu’un écho. Après ma rupture avec M. de Lancry, dernière et fatale épreuve, je revins dans le monde sans intérêt, pensant continuellement à ma fille, que les convenances ne me permettaient pas d’avoir près de moi ; alors j’appris la maladie d’Emma ;