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contrai dans le monde le père d’Emma. Longtemps combattu, un amour violent me fit oublier mes devoirs. Si une faute pouvait être excusée, ennoblie par la valeur de celui qui vous la fait commettre, mon amour était excusable ; celui que j’aimais réunissait les qualités, les charmes les plus rares. Cette passion profonde et partagée dura six ans, presque inconnue au monde, car je passai la plus grande partie de ce temps dans une de mes terres. La mort frappa celui que j’avais tant aimé. Après ce coup affreux, je passai plusieurs années dans des alternatives étranges, tantôt restant des mois entiers accablée par le désespoir, tantôt, voulant lutter contre le chagrin qui me dévorait, je me livrais avec ardeur à tous les plaisirs ; j’accueillais avec une sorte de coquetterie distraite, innocente, je vous le jure, mais mille fois plus compromettante que bien des fautes, j’accueillais — dis-je — tous les hommages, tous les vœux… car mon cœur restait toujours froid et mort aux émotions de l’amour, et puis, lorsque ces hommes dont j’avais agréé si indifféremment les soins se croyaient aimés, me demandaient