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des chagrins qu’il me causait. Dans mes plaintes, il ne voyait qu’une exaltation vague, romanesque ; tout espoir de l’apitoyer était à jamais perdu pour moi.

Malgré son égoïsme, malgré sa personnalité, il n’eût pas été absolument insensible à mes souffrances, s’il les eût comprises.

Si je ne vous parle plus le tendre langage d’autrefois, c’est que vous ne me l’inspirez plus — m’avait-il répondu.

C’était là une de ces révélations écrasantes qui se dressaient entre moi et l’espérance comme un mur d’airain.

Dans mon abattement je ne savais que répondre, hélas ! j’avais dix-huit ans à peine… et devant moi la vie… la vie tout entière.

Et encore je me disais que je n’étais peut-être qu’au commencement de mes chagrins, je pouvais déjà les comparer… en me souvenant des tortures de la jalousie… j’avais peut-être tort de me plaindre.

L’existence morne, froide que je menais à Maran… était presque négative, je n’avais au moins à regretter que le bonheur dont j’aurais pu jouir. Hélas !… peut-être fallait-il compter