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tendre, Gontran. Eh bien ! il m’est cruel de voir que, depuis que nous sommes ici, vous n’avez pas eu pour moi un mot de tendresse, un mot de cœur, vous vivez auprès de moi comme si je n’existais pas.

— Mais au nom du ciel ! qu’est-ce que signifie tout ce jargon ? Que voulez-vous donc que je vous dise ? Si vous aimez tant à vous entendre raconter des galanteries, inspirez-m’en.

— Vous avez raison. Il y a longtemps que je suis pénétrée de cette triste vérité : on mérite ce qu’on inspire. Malgré vos duretés, je vous aime toujours ; vous méritez cet amour.

— Eh bien ! alors, soyez donc raisonnable, puisque ni vous ni moi ne pouvons rien à ce qui est — me dit Gontran avec moins de colère. Puis il ajouta :

— En vérité, Mathilde… votre caractère romanesque, exalté, vous rendra la plus malheureuse des femmes ; soyez donc raisonnable. Je vous l’ai dit cent fois, l’on ne se marie pas pour conjuguer perpétuellement et sur tous les tons le verbe j’aime ; on se marie pour avoir une maison, un intérieur, un existence plus assise ; on se marie pour vivre sans gêne