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J’écoutai avidement…

Je n’entendis rien.

En le voyant dormir ainsi, beau, calme, souriant, je me sentais heureuse de tout le bonheur qui lui était départi : libre de l’odieuse domination de M. Lugarto, jeune, riche, aimé de moi jusqu’à l’idolâtrie ; y avait-il au monde un homme plus admirablement doué ? Ne réunissait-il pas tous les avantages, toutes les conditions de la félicité humaine ?

En m’appesantissant ainsi sur ses qualités, un moment j’eus peur ; nous devions rester à Maran jusqu’au commencement de l’hiver : ce long avenir de solitude me ravissait, mais plairait-il à Gontran ?

Je commençais à me défier de moi-même, à craindre de ne pas plaire assez à mon mari. J’avais déjà tant souffert que je ne ressentais plus ces élans de gaîté douce et ingénue que m’inspirait autrefois la présence de Gontran.

Je comparai ce que j’étais avant mon mariage ou pendant notre bienheureux séjour à Chantilly, avec ce que j’étais en arrivant à Maran, et malgré moi je fus reprise de folles frayeurs.