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larmes ; maintenant je me suis endurcie, j’ai tant souffert ! Mon cœur est insensible, même à la douleur ; je raille, je méprise, j’aime mieux cela.

Depuis le commencement de notre conversation l’accent d’Ursule avait été nerveux, saccadé, brusque.

— Ma sœur — lui dis-je — tu n’es pas dans ton état naturel, tu caches quelques chagrins.

— Aucun — je te jure — j’ai pris mon parti ; lorsque nous aurons assez de fortune pour aller vivre à Paris, j’irai ; jusque là je vis machinalement, fuyant mes rêves de jeune fille, lorsqu’ils viennent quelquefois m’apparaître… malgré moi… car ces souvenirs chéris ne me rappellent que trop, et toi… et nos beaux jours… Ah ! Mathilde !… Mathilde ! tu m’as gâté la vie — ajouta Ursule…

Après un assez long silence, elle fondit en larmes, comme si elle cédait tout-à-coup à une émotion jusqu’alors contenue.

— Oh ! j’étais bien sûre — m’écriai-je — que mon amie, que ma sœur me dissimulait quelque chose ; que ses paroles brèves et