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— J’admire d’autant plus votre tendresse à ce sujet, mon bon cousin, que j’avais entendu dire que plusieurs de vos confrères…

— Écrasaient les enfants de travail, n’est-ce pas ? — s’écria M. Sécherin avec indignation ; — les misérables… Tenez ; cousine, ça me rappelle une chose que je n’ai jamais dite à ma femme ni à maman, parce que ça n’en valait guère la peine et que ça m’aurait fait passer pour un tapageur ; mais, puisque nous sommes sur ce chapitre, je vais tout vous dire. — Un jour, c’était à mon mariage, j’entre à Paris pour visiter une manufacture ; qu’est-ce que je vois ? des enfants exténués, maladifs, travaillant plus que des hommes, et pour quel salaire… mon Dieu !.. à peine de quoi acheter du pain ; ma foi, ça me révolte, je n’en fais ni une ni deux, et je dis au maître de l’établissement qui me le montrait : — Comment avez-vous le courage de faire périr ces petits malheureux à petit feu ; car vous les tuez, Monsieur ! — Mon confrère me répond que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, et qu’il n’a pas besoin de mes observations. Je lui réponds, moi, que ça me regarde, que je suis aussi fabricant, et que la