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cupait beaucoup d’enfants dans sa manufacture.

— J’emploie tous ceux que je puis attraper me répondit-il en souriant — et une fois que je les tiens… je ne les lâche plus. Je fais signer un beau et bon dédit aux parents, et il faut bien qu’ils me les laissent le plus longtemps possible.

— Quel avantage trouvez-vous donc à employer ces enfants ?

— Quel avantage, cousine ? celui d’empêcher leurs parents, qui sont souvent égoïstes et durs, de surcharger de travail ces pauvres petits malheureux… Dans ma fabrique ils ne font que ce qu’ils peuvent faire, apprennent un bon métier, et deviennent honnêtes, laborieux, ayant toujours de bons exemples sous les yeux, car je ne garde jamais de mauvais sujets chez moi ; ça me dépense de l’argent, vu que les pauvres enfants me coûtent plus qu’ils ne me rapportent ; mais ça m’est égal, c’est mon luxe… et quand je les vois heureux, robustes, travailler gaîment, ma foi, cousine, je m’aperçois qu’après tout j’ai fait un fameux placement.