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il porta le goulot à ses lèvres et la passa au gigantesque carrier après avoir bu.

— À la bonne heure, dit le carrier, à la régalade ! capon qui s’en dédit ! ça va aiguiser les dents des Loups !

— À vous autres, camarades ! dit Morok en distribuant les bouteilles.

— Il y aura du sang à la fin de tout ça, murmura Couche-tout-Nu, qui, malgré son état d’ivresse, comprenait tout le danger de ces funestes excitations.

En effet, bientôt le nombreux rassemblement quitta la cour du cabaret pour courir en masse à la fabrique de M. Hardy.

Ceux des ouvriers et habitants du village qui n’avaient pas voulu prendre part à ce mouvement d’hostilité (et ils étaient en majorité) ne parurent pas au moment où la troupe menaçante traversa la rue principale ; mais un assez grand nombre de femmes, fanatisées par les prédications de l’abbé, encouragèrent par leurs cris la troupe militante.

À sa tête s’avançait le gigantesque carrier, brandissant sa formidable pince de fer, puis derrière lui, pêle-mêle, armés les uns de bâtons, les autres de pierres, suivait le gros de la troupe. Les têtes, encore exaltées par de récentes libations d’eau-de-vie, étaient arrivées à