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qu’ils disent lorsqu’ils partent pour ces ateliers meurtriers ? Nous allons à l’abattoir !…

« Ce mot, d’une épouvantable vérité, m’a fait frémir.

« — Et cela se passe de nos jours !… lui ai-je dit le cœur navré ; et on sait cela ! Et parmi tant de gens puissants, aucun ne songe à cette mortalité qui décime ses frères, forcés de manger ainsi un pain homicide !

« — Que veux-tu, ma pauvre Mayeux ? me répondait Agricol, tant qu’il s’agit d’enrégimenter le peuple pour le faire tuer à la guerre, on ne s’en occupe que trop ; s’agit-il de l’organiser pour le faire vivre… personne n’y songe, sauf M. Hardy, mon bourgeois. Et on dit : Bah ! la faim, la misère ou la souffrance des travailleurs, qu’est-ce que ça fait ? Ce n’est pas de la politique… On se trompe, ajoutait Agricol, c’est plus que de la politique !

« .   .   .   .   .   . Comme Victoire n’avait pas laissé de quoi payer un service à l’église, il n’y a eu que la présentation du corps sous le porche ; car il n’y a pas même une simple messe des morts pour le pauvre… Et puis, comme on n’a pas pu donner dix-huit francs au curé, aucun prêtre n’a accompagné le char des pauvres à la fosse commune.

« Si les funérailles, ainsi abrégées, ainsi