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toute la journée ; je vomis le sang et j’ai quelquefois des crampes d’estomac qui me font évanouir.

« — Mais change d’état, lui disais-je.

« — Et le temps de faire un autre apprentissage ? me répondait-elle. Et puis maintenant, il est trop tard, je suis prise, je le sens bien… il n’y a pas de ma faute, ajoutait la bonne créature, car je n’ai pas choisi mon état ; c’est mon père qui l’a voulu ; heureusement il n’a pas besoin de moi. Et puis, quand on est mort… on n’a plus à s’inquiéter de rien, et on ne craint pas le chômage.

« Victoire disait cette triste vulgarité très-sincèrement, et avec une sorte de satisfaction. Aussi elle est morte en disant :… Enfin… enfin…

« Cela est bien pénible à penser, pourtant, que le travail à qui le pauvre est obligé de demander son pain devient si souvent un long suicide !

« Je disais cela l’autre jour à Agricol ; il me répondit qu’il y avait bien d’autres métiers mortels : les ouvriers dans les eaux-fortes, dans la céruse et dans le minium entre autres, gagnent des maladies prévues et incurables dont ils meurent.

« — Sais-tu, ajoutait Agricol, sais-tu ce