Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/524

Cette page a été validée par deux contributeurs.

malsain et plus dangereux qu’elle travaillait pour de pauvres ménages dont la literie est toujours de rebut.

« Elle avait un courage de lion et une résignation d’ange ; elle me disait toujours de sa petite voix douce, entrecoupée çà et là par une toux sèche et fréquente :

« — Je n’en ai pas pour longtemps, va, à aspirer la poudre de vitriol et de chaux

    après en avoir opéré le blanchiment, y reste en partie ; c’est l’ouvrière qui en souffre, car, lorsqu’elle fait cet ouvrage, la chaux qui se détache sous forme de poussière, se porte à sa poitrine par le fait de l’aspiration, et le plus souvent lui occasionne des crampes d’estomac et des vomissements qui la mettent dans un état déplorable ; la plupart d’entre elles y renoncent ; celles qui s’y obstinent gagnent pour le moins un catarrhe ou un asthme qui ne les quitte qu’à la mort.

    « Vient ensuite le crin, dont le plus cher, celui que l’on appelle échantillon, n’est même pas pur. On peut juger par là ce que doit être le commun, que les ouvrières appellent crin au vitriol, et qui est composé du rebut des poils de chèvres, de boucs et des soies de sangliers, que l’on passe au vitriol d’abord, puis dans la teinture, pour brûler et déguiser les corps étrangers, tels que la paille, les épines, et même des morceaux de peaux, qu’on ne prend pas la peine d’ôter, et qu’on reconnaît souvent quand on travaille ce crin, duquel sort une poussière qui fait autant de ravages que celle de la laine à la chaux.