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deaux de beaux cheveux bruns, encadrait son mélancolique visage aux doux yeux bleus ; ses mains longues et fluettes, préservées du froid par des gants, n’étaient plus, comme naguère, violettes et marbrées, mais d’une blancheur presque diaphane.

Les traits altérés de la Mayeux exprimaient une vive inquiétude. Mademoiselle de Cardoville, au comble de la surprise, s’écria :

— Que dites-vous ?…

— M. Rodin vous trahit, mademoiselle.

— Lui !… C’est impossible…

— Ah ! mademoiselle… mes pressentiments ne m’avaient pas trompée.

— Vos pressentiments ?

— La première fois que je me suis trouvée en présence de M. Rodin, malgré moi j’ai été saisie de frayeur ; mon cœur s’est douloureusement serré… et j’ai craint… pour vous… mademoiselle.

— Pour moi ? dit Adrienne, et pourquoi n’avez-vous pas craint pour vous, ma pauvre amie ?

— Je ne sais, mademoiselle, mais tel a été mon premier mouvement, et cette frayeur était si invincible, que, malgré la bienveillance que M. Rodin me témoignait pour ma sœur, il m’épouvantait toujours.