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Et il se retourna brusquement sur le sofa, comme si on eût touché le vif d’une blessure douloureuse.

Faringhea se tut.

Au bout de quelques moments, Djalma reprit avec impatience, en jetant au loin le tuyau du houka et cachant ses deux yeux sous ses mains :

— Tes paroles valent encore mieux que le silence… Maudites soient mes pensées ! maudit soit mon esprit qui évoque ces fantômes !

— Pourquoi fuir ces pensées, monseigneur ? Vous avez dix-neuf ans, votre adolescence s’est tout entière passée à la guerre ou en prison, et jusqu’à ce jour vous êtes resté aussi chaste que Gabriel, ce jeune prêtre chrétien, notre compagnon de voyage.

Quoique Faringhea ne se fût en rien départi de sa respectueuse déférence envers le prince, celui-ci sentit une légère ironie percer à travers l’accent du métis lorsqu’il prononça le mot chaste.

Djalma lui dit avec un mélange de hauteur et de sévérité :

— Je ne veux pas, auprès de ces civilisés, passer pour un barbare, comme ils nous appellent ;… aussi je me glorifie d’être chaste.

— Je ne vous comprends pas, monseigneur.