Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

élan généreux, la même discipline inexorable, le même système de délations mutuelles, la même défiance, les mêmes obstacles invincibles à toute liaison d’amitié… Aussi l’ardeur qui avait un instant réchauffé mon âme, s’affaiblit : je retombai peu à peu dans les habitudes d’une vie inerte, passive, machinale, qu’une impitoyable autorité réglait avec une précision mécanique, de même que l’on règle le mouvement inanimé d’une horloge.

— C’est que l’ordre, la soumission, la régularité sont les premiers fondements de notre compagnie, mon cher fils.

— Hélas ! mon père, c’était la mort et non la vie, que l’on régularisait ainsi ; au milieu de cet anéantissement de tout principe généreux, je me livrai aux études de scolastique et de théologie. Études sombres et sinistres, science cauteleuse, menaçante ou hostile, qui, toujours, éveille des idées de péril, de lutte, de guerre, et jamais des idées de paix, de progrès et de liberté.

— La théologie, mon cher fils, dit sévèrement le père d’Aigrigny, est à la fois une cuirasse et une épée ; une cuirasse pour défendre et couvrir le dogme catholique, une épée pour attaquer l’hérésie.

— Pourtant, mon père, le Christ et ses apôtres ignoraient cette science ténébreuse, et à leurs