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compte de ce pressentiment ou de cette prévision.

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Les cœurs délicats ont quelquefois dans les petites choses des instincts d’une grâce, d’une bonté charmantes. Ainsi, après que la Mayeux eut versé d’abondantes et douces larmes de reconnaissance, Adrienne, prenant un mouchoir richement garni, en essuya pieusement les pleurs qui inondaient le mélancolique visage de la jeune ouvrière.

Ce mouvement, si naïvement spontané, sauva la Mayeux d’une humiliation ; car, hélas ! humiliation et souffrance, tels sont les deux abîmes que côtoie sans cesse l’infortune ; aussi pour l’infortune, la moindre délicate prévenance est-elle presque toujours un double bienfait…

Peut-être va-t-on sourire de dédain au puéril détail que nous allons donner pour exemple ; mais la pauvre Mayeux, n’osant pas tirer de sa poche son vieux petit mouchoir en lambeaux, serait longtemps restée aveuglée par ses larmes, si mademoiselle de Cardoville n’était pas venue les essuyer.

— Vous êtes bonne… Oh ! vous êtes noblement charitable !… mademoiselle !

C’est tout ce que put dire l’ouvrière d’une voix profondément émue et encore plus tou-