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— Vous l’avez donc vu, monsieur ? dit Adrienne en interrompant Rodin.

— Oui, ma chère demoiselle, je l’ai vue pendant deux heures environ… et il ne m’en a pas fallu davantage pour le juger ; ses traits charmants sont le miroir de son âme.

— Et où l’avez-vous vu, monsieur ?

— À votre ancien château de Cardoville, ma chère demoiselle, non loin duquel la tempête l’avait jeté… et où je m’étais rendu afin de…

Puis, après un moment d’hésitation, Rodin reprit comme emporté malgré lui par sa franchise :

— Eh ! mon Dieu ! où je m’étais rendu pour faire une action mauvaise, honteuse et misérable… il faut bien l’avouer…

— Vous, monsieur… au château de Cardoville ? pour une mauvaise action ! s’écria Adrienne, profondément surprise…

— Hélas ! oui, ma chère demoiselle, répondit naïvement Rodin. En un mot, j’avais ordre de M. l’abbé d’Aigrigny de mettre votre ancien régisseur dans l’alternative ou d’être renvoyé, ou de se prêter à une indignité… oui, à quelque chose qui ressemblait fort à de l’espionnage et à de la calomnie ;… mais l’honnête et digne homme a refusé…

— Mais qui êtes-vous donc, monsieur ? dit