Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.

je n’y entends rien ; mais ce que je sais, c’est que je serais désolée d’avoir fait tort à un brave garçon par une plaisanterie ; je vais donc vous dire tout bonnement ce qui en est : ma franchise sera peut-être utile à quelque chose…

— La franchise éclaire souvent les choses obscures, dit sentencieusement Rodin.

— Après tout, dit Rose-Pompon, tant pis pour Nini-Moulin. Pourquoi me fait-il dire des bêtises qui peuvent nuire à l’amant de cette pauvre Céphise ? Voilà, monsieur, ce qui est arrivé : Nini-Moulin, un gros farceur, vous a vu tout à l’heure dans la rue ; la portière lui a dit que vous vous appeliez M. Charlemagne. Il m’a dit, à moi : « Non, il s’appelle Rodin, il faut lui faire une farce : Rose-Pompon, allez à sa porte, frappez-y, appelez-le M. Rodin. Vous verrez la drôle de figure qu’il fera… » J’avais promis à Nini-Moulin de ne pas le nommer ; mais, dès que ça pourrait risquer de nuire à Jacques… tans pis, je le nomme.

Au nom de Nini-Moulin, Rodin n’avait pu retenir un mouvement de surprise. Ce pamphlétaire, qu’il avait fait charger de la rédaction de l’Amour du Prochain, n’était pas personnellement à craindre ; mais Nini-Moulin, très-bavard et très-expansif après boire, pouvait