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Au moment où Rodin venait d’écrire ces derniers mots, son attention fut tout à coup distraite par la voix fraîche et sonore de Rose-Pompon, qui, sachant son Béranger par cœur, avait ouvert la fenêtre de Philémon, et, assise sur la barre d’appui, chantait avec beaucoup de charme et de gentillesse ce couplet de l’immortel chansonnier :

 
Mais quelle erreur ! non, Dieu, n’est pas colère,
S’il créa tout… à tout il sert d’appui :
Vins qu’il nous donne, amitié tutélaire,
Et vous, amours, qui créez après lui,
Prêtez un charme à ma philosophie,
Pour dissiper des rêves affligeants,
Le verre en main, que chacun se confie
Au Dieu des bonnes gens !

Ce chant, d’une mansuétude divine, contrastait si étrangement avec la froide cruauté des quelques lignes écrites par Rodin, qu’il tressaillit et se mordit les lèvres de rage, en reconnaissant ce refrain du grand poëte, véritablement chrétien, qui avait porté de si rudes coups à la mauvaise Église.

Rodin attendit quelques instants dans une impatience courroucée, croyant que la voix allait continuer ; mais Rose-Pompon se tut, ou du moins ne fit plus que fredonner, et bientôt