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De plus, la princesse, au lieu de paraître peinée, révoltée, de cette transformation subite du supérieur en subalterne, et du subalterne en supérieur, regardait Rodin avec une sorte de curiosité mêlée d’intérêt.

Comme femme… et comme femme âprement ambitieuse, cherchant à s’attacher à toutes les hautes influences, la princesse aimait ces sortes de contrastes ; elle trouvait à bon droit curieux et intéressant de voir cet homme, presque en haillons, chétif et d’une laideur ignoble, naguère encore le plus humble des subordonnés, dominer de toute l’élévation de l’intelligence qu’on lui savait nécessairement, dominer, disons-nous, le père d’Aigrigny, grand seigneur par sa naissance, par l’élégance de ses manières, et naguère si considérable dans sa compagnie.

De ce moment, comme personnage important, Rodin effaça complètement le père d’Aigrigny dans l’esprit de la princesse.

Le premier mouvement d’humiliation passé, le révérend père d’Aigrigny, quoique son orgueil saignât à vif, mit au contraire tout son amour-propre, tout son savoir-vivre d’homme de bonne compagnie, à redoubler de courtoisie envers Rodin, devenu son supérieur par un si brusque revirement de fortune.