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produise de pareilles ressemblances !… Ces yeux… à la fois si fiers et si tristes… ce sont les siens ;… et ce front… et cette pâleur !… oui, ce sont ses traits !… tous ses traits !…

— Mon cher fils, qu’avez-vous ? dit le père d’Aigrigny, aussi étonné que Samuel et que le notaire.

— Il y a huit mois, reprit le missionnaire d’une voix profondément émue sans quitter le tableau des yeux, j’étais au pouvoir des Indiens… au milieu des montagnes Rocheuses… On m’avait mis en croix, on commençait à me scalper… j’allais mourir… lorsque la divine Providence m’envoya un secours inattendu… Oui, et c’est cette femme qui m’a sauvé…

— Cette femme !… s’écrièrent à la fois Samuel, le père d’Aigrigny et le notaire.

Rodin seul paraissait complètement étranger à l’épisode du portrait ; le visage contracté par une impatience courroucée, il se rongeait les ongles à vif en contemplant avec angoisse la lente marche des aiguilles de sa montre.

— Comment ! quelle femme vous a sauvé la vie ? reprit le père d’Aigrigny.

— Oui, c’est cette femme, reprit Gabriel d’une voix plus basse et presque effrayée ; cette femme… ou plutôt une femme qui lui ressemblait tellement, que si ce tableau n’était pas ici