Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins, un jour de trop, où mon cœur est inscrit.


Je parle à mon amour, comme ce jour enseveli parle à sa tombe. La nuit muette n’est pas sourde à la plainte de tant de soleils anéantis.

Toi, mon bien-aimé, c’est toi que j’ai perdu. Et avant toi, le père, celui dont les yeux forts étaient si doux pour nous, petits, et ne disaient d’abord qu’un mot : « Enfants !… »

Et comme la mère avant lui, le vieil aïeul, et l’aïeule, pâle et triste, blanche de pleurs. Et tous enfin jour après jour. Et enfin toi, puisque je n’avais que toi.

La désolation s’est répandue sur tout, comme un fleuve d’Asie qui déborde. Elle inonde mes steppes, du cap de l’Occident à la pointe de l’Est Extrême.