Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours été trahi. Moi seul lui ai été fidèle ; et fidèle je veux toujours lui être. Jusqu’à ce que l’ignoble tyrannie du destin me ravale aussi à la trahison, s’abatte sur ma tête et me rature du livre odieux et sublime. Car c’est ce que nous sommes : un mot que l’amour inscrit, et que le hasard efface ; — un mot, riche de tout l’univers pour notre cœur, — et vide de sens pour tout cet univers sans cœur.


Pourquoi craindre pour moi ? Je subis de vivre, je ne le désire plus. Subir, c’est le plus sûr. Qui sait si je ne serais pas trop heureux d’être mort ?

La vie fait ma passion et mon horreur. La vie m’exalte et me dégoûte. Je souffre d’en avoir tant encore. De là, que j’en ai trop aussi.

Je me déchire à toute idée. Mais quand