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que m’arrache la blessure de te perdre. Dans sa vie, quel homme ne compte pas au moins une de ces heures qui ne finissent jamais ? Instant de la désolation, le dernier souffle arrête les aiguilles.

Ô mon frère, noble héros de la tendresse, grand cœur dont la force soutenait le parti le plus pur, celui de la bonté héroïque, nous sommes trahis ensemble par la seule puissance qui pût avoir raison de nous, en sa lâcheté.


Et maintenant encore, que ne le dois-je pas ? Dans leur crainte et leur pitié pour moi, c’est à ton amitié que mes amis obéissent. Le don qu’ils me font d’eux-mêmes, est encore un legs de ta bonté. En perdant la vie, tu me combles encore ; comme si je pouvais l’être, désormais, dénué de tout que je suis. En toi, ma chère