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On doit ménager son cœur, font-elles ; pourquoi rechercher la souffrance ? à quoi bon cultiver sa douleur ? Où le souvenir ne peut rien, vaut-il pas mieux se réconforter d’oubli ? L’amour trahi, n’est-il pas plus sage de s’aimer ? Enfin, penser à soi, quand on ne saurait plus aux autres, n’est-ce pas le conseil de la raison ? Que sert de pleurer ?


Que sert de vivre, ô pierres ? Tout est irréparable : faute de cœur, votre philosophie l’ignore. Éluder la douleur : de combien de soi-disant héros n’est ce pas le fond ? Sont ce donc de si grands héros, les jeunes chiens ? Ils fuient les coups ; ils font fête à la pâtée ; ils n’ont pas fini de goûter au bâton qu’ils aboient gaîment au plat de soupe : pourquoi ne pas les vanter d’être au dessus de la douleur, et