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toi un étranger. Tout être supérieur comme vérité, humanité, etc… est un être au-dessus de nous. La caractéristique du Saint est l’étrange. Dans tout Saint il y a quelque chose d’« étrange » c’est-à-dire d’étranger, nous ne nous y trouvons pas à notre aise et chez nous. Ce qui m’est sacré ne m’est pas propre, si la propriété des autres ne m’était pas sainte, je la considérerais comme mienne et je me l’offrirais à la première bonne occasion, et inversement si le visage de l’Empereur de Chine est sacré pour moi, il reste étrange à mes yeux et je les ferme quand il apparaît.

Pourquoi une vérité mathématique irréfragable qui, au sens habituel du mot, pourrait être appelée éternelle, n’est-elle pas sainte ? Parce qu’elle n’est pas révélée, parce qu’elle n’est pas la révélation d’un être supérieur. Si l’on entend par vérités révélées uniquement les vérités religieuses, on se fourvoie singulièrement et l’on méconnaît absolument l’étendue du concept de l’« l’Être supérieur ». Les athées criblent de leurs sarcasmes l’être supérieur vénéré aussi sous le nom de « Très-Haut » et d’ « Être Suprême », ils foulent aux pieds l’une après l’autre les « preuves de son existence » sans remarquer qu’ils obéissent eux-mêmes à un besoin d’Être Suprême et qu’ils anéantissent l’ancien uniquement pour faire place à un nouveau. L’homme n’est-il pas un être supérieur à un homme isolé, n’adore-t-on pas, ne tient-on pas pour sacrés les vérités, droits, idées qui résultent de ce concept comme étant les révélations de ce concept ? Car si l’on a dû écarter ensuite mainte vérité qui paraissait être manifestation de ce concept, cela prouvait seulement méprise de notre part, sans qu’il y eût le moindre tort porté au concept sacré lui-même et sans que les vérités qui demeuraient