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veilleurs de nuit commencèrent à agiter leurs crécelles. Même dans les faubourgs que je traversais, des lumières apparurent aux fenêtres. Des volets s’ouvrirent. J’entendis des voisins entamer des conversations de fenêtre à fenêtre ; et enfin je fus moi-même pris à partie.

« Qui est là ? » me cria une grosse voix.

Je pus voir que cette voix provenait d’un gros homme, coiffé d’un bonnet de coton, et appuyé au rebord d’une fenêtre. Je me trouvais, par malheur, si près de sa maison que je crus plus sage de lui répondre. Jamais encore je n’avais attaché autant d’importance à la correction de mon accent anglais ; j’avais l’impression que de cet accent allait dépendre toute ma destinée. Ramenant autour de moi une sorte de cape que je m’étais faite avec une couverture, de manière à cacher ma livrée de prison :

« Ami ! répondis-je.

– Qu’est-ce que signifie tout ce collieshangie ? demanda l’homme. »

Jamais de ma vie je n’avais entendu parler d’un collieshangie ; mais, avec le bruit qui nous arrivait de la forteresse je n’avais aucun doute sur le sens du mot.

« Je ne sais pas, monsieur, dis-je, mais je suppose que ce sera un des prisonniers qui se sera échappé

— Mon Dieu ! s’écria l’homme épouvanté.

— Oh ! mais il ne tardera pas à être repris ! ajoutai-je. On se sera aperçu en temps de la chose. Bonjour, monsieur !

— Vous êtes dehors bien tard, monsieur ! observa le gros homme. »

Je me mis à rire.

« Bien tard ? fis-je. Vous voulez dire bien tôt ! »

Ce que disant, je m’éloignai le plus vite que je pus, enchanté du succès de cette escarmouche.

Je me trouvais à présent sur la route qui, autant que je pouvais en juger, allait précisément dans la direction que j’avais à suivre. Cette route m’amena, quelques minutes après, dans une sorte de village où j’entendis, tout près