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vice que je voudrais vous demander avant tous les autres. Comme vous voyez, je suis en cage ici, sur ce rocher, au milieu de votre ville. Ma seule liberté consiste à pouvoir considérer des milliers de toits, sans compter plus de trente lieues de terre et de mer. Et tout cela hostile ! Sous tous ces toits habitent des ennemis ! Partout où je vois monter la fumée d’une cheminée, j’ai à me dire que quelqu’un est assis devant le feu, qui lit avec joie les nouvelles de nos revers. Pardonnez-moi, chers amis, je sais que vous aussi, vous devez faire de même ! Mais, du moins, vous avez pitié du malheureux prisonnier ! Par grâce, montrez-moi d’ici votre maison ; montrez-m’en ne fût-ce que la cheminée, ou, si la maison n’est point visible, le quartier de la ville où elle se trouve ! De cette façon, quand je regarderai autour de moi, j’aurai du moins le droit de me dire : « Voici une maison où l’on peut penser à moi sans me haïr ni me mépriser  ! »

Flora resta un moment silencieuse.

« C’est une très jolie pensée ! dit-elle ensuite. Et, tenez, je crois que je puis vous montrer précisément la fumée de nos cheminées ! »

Elle m’entraîna de l’autre côté de la forteresse, vers un bastion qui se trouvait tout voisin du lieu choisi par nous pour notre prochaine tentative de fuite. Nous apercevions de là, à nos pieds, en raccourci, des faubourgs, et, au delà, une campagne verte et vallonnée qui s’élevait jusqu’aux Pentland Hills. À deux lieues environ de nous, il y avait une colline qui semblait marquée d’une série de raies blanches. C’est elle que la jeune fille me désigna du doigt.

« Vous voyez ces marques ? dit-elle. Nous les appelons les Sept Sœurs. Regardez un peu plus bas, vous verrez, au pli de la colline, un bouquet d’arbres et un filet de fumée qui s’élève d’entre eux. C’est Swanston Cottage, où mon frère et moi demeurons avec ma tante. Si sa vue peut vraiment vous faire plaisir, j’en serai heureuse. Nous aussi, nous pouvons voir le Château, d’un coin de notre jardin ; et souvent nous y allons, le matin, n’est-ce pas,