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lorsque nous nous trouvâmes sur le pont, auprès du cadavre :

« Mon opinion, monsieur, sauf erreur, est que cet homme nous a dit la vérité ! »

Certes, il nous avait dit la vérité ; et, si longtemps que je vive, jamais je n’oublierai le bonheur que j’ai eu de pouvoir passer ainsi quelques semaines en compagnie de cet humble et sublime Regulus, le pauvre capitaine Colenso !

Deux jours après, la Lady Népean jetait l’ancre dans le grand port de Boston. Le capitaine Seccombe alla aussitôt conduire ses prisonniers et raconter leur histoire aux autorités maritimes, qui promirent d’en référer au commodore Rodgers. En effet les prisonniers furent menés, dès la semaine suivante, à Newport, où se trouvait cet officier ; et celui-ci, pour l’honneur des États-Unis, les fit relâcher séance tenante. Mais si, la guerre finie, ils revinrent dans leur patrie ou s’ils persistèrent dans leur projet de devenir citoyens américains, c’est ce que je ne saurais dire.

Quant à moi, le capitaine Seccombe obtint la permission de me garder dans sa maison jusqu’à ce que le consul de France eût achevé son enquête à mon sujet. Cette enquête dura trois mois, pendant lesquels j’eus le temps de me lier très agréablement avec miss Amelia Seccombe, charmante jeune femme qui, soit dit sans vouloir l’offenser, m’apprécia surtout comme une occasion inespérée de se perfectionner dans l’usage de la langue française. C’est dans cette langue qu’elle m’apprit qu’elle était fiancée à un jeune officier de la marine nationale des États-Unis : sur quoi je ne pus manquer de lui dire aussitôt que j’étais fiancé, moi aussi ; et nos confidences réciproques m’auraient certainement fait paraître l’attente moins pénible si, d’autre, part, les tristes nouvelles qui nous arrivaient de France n’avaient stimulé en moi, sans cesse davantage, le désir d’aider l’Empereur à