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deux pas devant moi, M. Hendry consentirait-il à pousser l’hospitalité jusqu’à accueillir un voyageur dépourvu non seulement de tout bagage, même d’un chapeau et d’un manteau ? Et puis, peut-être sa maison était-elle surveillée ? Il me semblait que toutes les maisons avaient à leur porte deux agents de police, spécialement chargés de s’emparer de moi.

Je n’avais qu’un seul parti à prendre, et je le pris. Me résignant à affronter la pluie, qui se précipitait à flots sur ma tête nue, et me découlait sur le nez, et remplissait mes brodequins vernis, et entretenait une rigole glacée tout le long de mon épine dorsale, je me mis en route vers les collines qui entouraient Swanston-Cottage. Vers minuit, comme je pataugeais sur le chemin, des lanternes apparurent derrière moi et se rapprochèrent. Une calèche passa au trot près de moi ; j’entendis les jurons du cocher, pestant contre le brouillard ; et mon cœur se souleva fiévreusement à la pensée que c’était peut-être ma bien-aimée Flora qu’on ramenait chez elle dans cet équipage.

Que fis-je ensuite, jusqu’au matin ? Je ne serais pas éloigné de croire que je fis quelques petits sommes, debout contre un arbre, ou accroupi à l’abri d’un mur. Je me souviens seulement que tout à coup, la nuit d’encre où j’étais plongé se changea en une aube matinale presque blanche, avec mille petits bavardages d’oiseaux dans les arbres voisins. J’étais cependant debout, en cet instant, je jurerais même que je marchais. J’aurai sans doute dormi tout en marchant.

De nouveau je consultai ma montre : six heures du matin. Je regardai à droite, à gauche, cherchant les limiers de Bow Street qui ne pouvaient manquer de m’attendre au passage. Et c’est ainsi que j’aperçus, à une portée de fusil de l’endroit où j’étais, une grande affiche blanche collée sur une borne. L’avouerai-je ? Cette vue m’épouvanta davantage que ne l’aurait fait celle d’un agent de police. J’eus la certitude que l’affiche fatale me visait directement, qu’elle donnait la description complète