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VIII

Saint-Yves tente une seconde évasion.


J’étais en liberté, provisoirement du moins ; mais ma situation n’avait rien de brillant. Nu-tête, sans manteau (n’ayant plus même le châle de Flora pour me réchauffer les épaules et le cœur), j’errai dans George Street, affreusement en peine de savoir de quelle façon je pourrais atteindre la matinée du lendemain. Je songeai d’abord à rentrer chez Mme Mac Rankine ; mais une voix intérieure m’avertissait que le secret de mon domicile avait été éventé, et que, à vouloir aller changer mon costume, je risquais de l’échanger contre une livrée de prison. J’errais tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, avec l’ombre de l’infernal château au-dessus de ma tête. Chaque passant me faisait l’effet d’être un agent lancé à mes trousses. Et la pluie s’acharnait, et le brouillard devenait sans cesse plus épais. J’avais l’impression d’être un écureuil enfermé dans une cage tournante. Combien de temps dura cette promenade affolée, je ne saurais le dire mais elle m’a laissé le souvenir d’un siècle d’angoisses.

Enfin je m’avisai de tirer ma montre, et vis qu’il était environ dix heures. J’avais devant moi dix heures à attendre, jusqu’au rendez-vous que m’avait donné Flora. Où aller, dans l’intervalle ? Je me rappelai le Repos du Chasseur, tenu par Alexandre Hendry. Mais en supposant même que je parvinsse à retrouver cette auberge, à travers le brouillard qui m’empêchait de rien distinguer à