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sans parler de l’amour que je porte à votre sœur, que vous pouvez m’insulter, ainsi que vous le faites, avec l’assurance d’une impunité absolue. Je ne puis que ressentir la douleur — et je vous assure qu’elle est des plus aiguës, — sans rien pouvoir tenter pour m’en protéger ! »

Ronald resta quelques instants silencieux.

« Saint-Yves, dit-il, enfin, je crois que je ferais mieux de m’en aller ! Tout ceci est très irritant pour vous comme pour moi. Encore une fois, je n’ai pas eu du tout l’intention de vous offenser, et je vous présente toutes mes excuses. J’ai pour vous toute l’estime qu’un homme d’honneur peut avoir pour un autre. J’ai seulement voulu vous dire… vous prouver… que la chose que vous savez est tout à fait impossible. Mais il y a une autre chose dont je vous donne l’assurance : c’est que, pour ce qui est de moi, je ne ferai rien contre vous !

— Oui, dis-je, vous avez raison : cette entrevue a été irritante, et rien de plus. Oublions-la ! Adieu, Ronald !

— Adieu, Saint-Yves ! répondit le jeune homme. Croyez bien que je suis désolé ! »

Et, ce disant, il sortit.

Les fenêtres de mon salon donnaient au nord, mais celles de l’escalier avaient vue sur le square. Et c’est ainsi que je pus observer le départ de Ronald, son allure décontenancée, et la façon dont il fut rejoint, à l’entrée du square, par un homme qui n’était nul autre que le major Chevenix. Je ne pus m’empêcher de sourire en l’apercevant. Je me figurais entendre le dialogue, sans cesse coupé de l’antienne du major : « Je vous avais dit ! » ou bien : « Je vous avais défendu ! » Certes, mon rival n’avait rien gagné en me déléguant Ronald ; mais je songeai aussitôt que je n’avais rien gagné, moi non plus, à cette visite, dont le seul effet avait été d’accroître mon découragement. Je pouvais être sûr, à présent, que, si même je parvenais à retourner dans mon pays, tous les fers seraient mis au feu, en mon absence, pour contraindre Flora à désavouer l’encombrant Français et à accepter