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cepter cet argent ? insistai-je. J’ai là cent livres qui sont à votre disposition. Mais je puis facilement vous en avancer le double, si vous voulez ? Le temps de courir chez mon banquier !

— Oh ! par pitié, laissez-moi en paix ! gémit Ronald. Je suis venu ici pour vous dire quelque chose de très désagréable, et comment voulez-vous que j’y réussisse si vous ne m’en fournissez pas l’occasion ? C’est au sujet de ma sœur, comme je vous l’ai dit ! Vous vous rendez bien compte vous-même que les choses ne peuvent pas continuer comme elles vont. Cela est compromettant, cela ne mène à rien ; et vous devez sentir vous-même que vous n’êtes pas une espèce d’homme avec qui je puisse admettre qu’une personne de mon sang ait des relations. Je suis extrêmement fâché de vous dire cela, Saint-Yves ! J’ai l’air de frapper un ennemi vaincu ! et j’ai dit tout de suite au major que la mission que je viens remplir ici n’était pas de mon goût. Mais elle avait à être remplie ; elle l’est à présent ; et, entre gentlemen, il n’y aura plus à y revenir.

— Compromettant ! Ne mène à rien ! Je ne suis pas l’espèce d’homme ! répétai-je lentement. Au fait, je crois que je vous comprends, et que j’ai réellement trop tardé à me mettre en règle ! »

Sur quoi je me levai, et déposai mon cigare.

« Monsieur Gilchrist, dis-je en m’inclinant, comme réponse à vos légitimes observations, j’ai l’honneur de vous demander la main de mademoiselle votre sœur. Je suis de bonne naissance, ce qui n’est plus guère apprécié dans mon pays, mais qui, je crois, l’est encore chez vous. Je possède dès maintenant une somme assez ronde mais surtout j’ai « des espérances », comme on dit chez nous, fort au-dessus de l’ordinaire. Je crois bien que le revenu de mon oncle va de quinze à trente mille livres, encore que je ne me sois pas mis en peine de m’en assurer.

— Tout cela est facile à dire, fit Ronald avec un sourire dédaigneux. Malheureusement ce ne sont que des choses en l’air !