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de me faire marcher d’un pas vif et alerte. Pourtant, à mesure que j’approchais de la ville, la conscience du danger me revenait à l’esprit ; et je me dis tout à coup que j’aurais bien meilleure contenance pour traverser les rues d’Édimbourg si, au lieu de marcher seul, je pouvais me procurer un compagnon avec qui causer. Or, voici que précisément, dans un faubourg, j’eus la chance d’apercevoir un ample personnage qui, avec une longue redingote et des guêtres de soie, se tenait en arrêt devant un mur de pierre. Saisissant une occasion qui me parut excellente, je m’arrêtai à mon tour dès que je fus près du gros homme, et lui demandai ce qu’il avait trouvé là pour l’intéresser.

Il retourna vers moi, un visage qui, en proportion, n’était pas moins large que son dos.

« Eh bien ! monsieur, répondit-il, j’étais en train de m’étonner de mon incurable stupidité : car je passe par ce chemin toutes les semaines de ma vie, quand le temps le permet, et jamais encore je ne m’étais avisé de remarquer la pierre que voici ! »

Ce que disant, il frappait le mur avec une canne en bois de chêne, respectable comme tout l’ensemble de sa personne et de sa tenue.

Je regardai la pierre en question. Encastrée dans un mur de construction plus récente, elle offrait des traces d’un blason sculpté. Aussitôt je me rappelai ce que m’avait dit Flora de la manie héraldique de M. Robbie, dont le portrait, tel qu’elle me l’avait décrit, s’accordait d’ailleurs entièrement avec la figure de l’inconnu que j’avais devant moi.

« De belles armoiries ! dis-je. Ne sont-ce point celles des Douglas ?

— Eh oui ! monsieur, ce sont bien les armes des Douglas, autant du moins que leur triste état présent permet de les déchiffrer ! Mais laissez-moi vous poser à mon tour une question plus personnelle, monsieur ! Dans les temps dégénérés où nous vivons, je suis bien surpris