Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Bien ! » dit la dame, et cela fut suivi d’un silence effrayant.

« Mais, madame, dis-je, nous ne savons toujours pas quelles sont vos conditions ! Allons ! un bon mouvement ! que nous sachions enfin si c’est oui ou non ! »

Lentement, elle entr’ouvrit les lèvres.

« Vous avez évidemment des références ? » fit-elle d’une voix qui ressemblait à un glas.

Je déboutonnai ma veste et lui fis voir, dans une poche, une liasse de bank-notes.

« Je suppose, madame, que voici des références que vous ne sauriez mettre en question !

— Vous êtes sans doute accoutumés à une heure fixe pour votre déjeuner, et sans doute très tardive ? fut sa réponse.

— Hé ! madame, nous déjeunerons à l’heure où il vous plaira de nous faire déjeuner ! Mettons quatre heures du matin, si cela vous est plus commode ! Mais dites-nous seulement votre prix, pour l’amour du ciel !

— Je ne pourrai pas vous donner à souper le soir ! déclara la dame.

— Parfait, nous irons souper dehors, ma chère petite dame ! m’écriai-je, entre le rire et les larmes. Mais allons, il faut en finir ! Je tiens à vous avoir pour hôtesse, et je suis résolu à ce que vous le deveniez. Vous ne voulez pas me dire votre prix ? Fort bien ! je me passerai donc de le connaître ! J’ai absolument confiance en vous. Vous ne me paraissez pas savoir distinguer les bons locataires ; mais moi, voyez-vous, j’ai un flair infaillible pour reconnaître ma chance, lorsque le ciel m’envoie chez une bonne hôtesse. Vite, Rowley, débouclez les valises ! »

Le croira-t-on ? Cette femme extraordinaire se mit à m’invectiver sur mon « impertinence ». Mais la bataille était perdue pour elle. Bientôt nous convînmes d’un prix de location, très modéré du reste, et Rowley et moi pûmes redescendre, pour nous mettre en quête d’un souper.