Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taches de sang, ni les inconnus avec de faux noms ! »

Je pris un verre de vin et l’approchai de la lumière, pour montrer que ma main ne tremblait pas.

« Oui, dis-je, c’est bien certain !

— Vous avez des papiers, naturellement, pour prouver que la chaise est bien à vous ? demanda-t-il.

— Voici le reçu, dûment estampillé ! » répondis-je en lui tendant le papier.

Il y jeta les yeux.

« C’est tout ce que vous avez ? demanda-t-il.

— C’est tout ce que vous avez besoin de voir, en tout cas ! répondis-je. Ce papier vous montre où j’ai acheté la chaise, et combien je l’ai payée !

— Pardon ! fit l’aubergiste. Vous devez bien avoir un papier d’identité ?

— Pour prouver l’identité de la chaise ? demandai-je.

— Non, monsieur, pas du tout ! Pour prouver votre identité, à vous !

— Mais, mon bon monsieur, pensez à ce que vous dites ! m’écriai-je. Mes papiers sont dans le portefeuille que voici ; mais vous ne supposez pas sérieusement que je vous invite à les examiner ?

— C’est que, voyez-vous, ce papier-ci établit qu’un certain M. Ramornie a payé soixante-dix livres pour une chaise. Cela est bel et bon : mais comment puis-je savoir si c’est bien vous qui êtes M. Ramornie ?

— Coquin ! m’écriai-je.

— Oh ! coquin autant qu’il vous plaira, dit-il, cela ne change rien ! Je suis un coquin, si vous voulez : mais vous, qui êtes-vous ? Je sais seulement de vous que vous avez deux noms, que vous vous enfuyez avec de jeunes dames, que vous vous faites acclamer sous un nom français ; et puis il y a une chose que je puis bien juger, c’est que vous aviez une peur bleue, tout à l’heure, quand le postillon s’est mis à raconter des histoires devant ma porte. Bref, monsieur, il est possible que vous soyez un parfait gentleman, mais j’ai besoin d’en savoir plus long