Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

Une aventure d’amour.


Depuis quelque temps déjà, le pays que nous traversions changeait de caractère. À mille petits signes, je reconnaissais que nous nous rapprochions de l’Écosse ; je le reconnaissais à l’élévation des collines, à la forme plus ample des arbres, au murmure des torrents qui tenaient compagnie à notre route. J’ignorais alors — mais je ne sais que trop à présent — que nous approchions, en même temps, d’un endroit célèbre pour les Anglais, Gretna Green. Sur cette même route, que Rowley et moi nous traversions dans notre chaise lie-de-vin, aux sons du flageolet et de la grammaire française, combien de couples d’amoureux se sont élancés, au son de seize sabots de cheval galopant dans la poussière ou la boue et combien de personnes irritées, parents, oncles, tuteurs, rivaux évincés, ont couru à leur poursuite, appuyant aux vitres de leur voiture un visage souvent rouge, semant leur or dans les relais de poste, et sans cesse chargeant, déchargeant et rechargeant, par manière de diversion, leurs pistolets vengeurs ! Je ne savais rien de tout cela ; mais un hasard ne devait point tarder à me l’apprendre, pour ma grande satisfaction, sur le moment, et, ensuite, pour mon grand regret.

Au tournant d’une route grimpante et vraiment fort raide, j’aperçus devant moi les ruines d’une chaise de poste émergeant du fossé, un homme et une femme causant avec